MiFID et la crise américaine du subprime

MiFID: quelle utilité pour le client banque privée?

Cet article a pour but de donner un éclairage sur le fonctionnement de MiFID, ses impacts sur les placements de la clientèle privée des banques, et la réalité boursière des temps actuels dans la tourmente “subprime” américaine.

Afin d’illustrer mes propos, je vais définir un profil de client banque privée, père de famille, médecin encore en activité, gérant son portefeuille en bourse, accompagné par les conseils de son gestionnaire de fortune. Régulièrement notre docteur “Celsius” (ce sera son nom dans le reste de notre article) est en relation avec son CRM (gestionnaire de relation clientèle) pour confronter ses idées, écouter les avis éclairés de sa banque privée. Les bourses ont été euphoriques ces dernières années, et notre docteur Celsius, craignant un refroidissement des marchés financiers a cherché à partir de 2006 à diminuer le poids des actions dans son portefeuille: les obligations ne l’ont pas emballé, la période étant à la hausse des taux dans la planète, alors il s’est rabattu sur le placement le plus père de famille possible: il a décidé d’investir dans des fonds monétaires.

Placement en fonds monétaires

Mais les taux monétaires sont très faibles en 2006, de l’ordre de 2% (1).

C’est alors que notre conseiller de fortune propose au docteur Celsius un placement père de famille, un fonds monétaire dynamique, qui a l’avantage de procurer un rendement annuel supérieur de 0,2 ou 0,3% par rapport à d’autres fonds de réméré. L’écart est faible, me direz vous, mais tout de même gagner 10% de plus qu’avec d’autres fonds monétaires, voilà l’enjeu pour le docteur Celsius, d’autant que par définition le docteur Celsius a confiance en son banquier privé.

Tout se déroule à merveille en 2006, et les 6 premiers mois de l’année 2007: régulièrement, journalièrement, la part du fonds monétaire dynamique augmente; l’augmentation est modeste, mais c’est le but, avoir des quasi liquidités, ayant un faible rendement, meilleur que celui de monsieur tout le monde.

Notre docteur Celsius dort tranquille, il voit les hausses faramineuses des marchés émergents en 2007, la hausse de 20% de la bourse allemande, et respire encore mieux quand il voit les violents soubressauts des places financières en juillet 2007: les arbres ne montent jamais jusqu’aux cieux! Il a peut être raté une partie de la hausse, mais il a évité la baisse.

Un réveil douloureux

Soudainement, fin juillet, le docteur Celsius apprend que son argent liquide est bloqué, que ses fonds monétaires sont touchés par le subprime américain.

Comment un placement père de famille est il soudainement devenu un placement hyper risqué?

Opacité des produits financiers

Il y a complexification des produits financiers, opacité accrue, et effet de dominos potentiel au niveau planétaire . Aujourd’hui seuls quelques établissements gestionnaires d’actifs ont communiqué sur les dégâts indirects des subprimes américains: Axa IM et Oddo en France, IKB, Commerzbank, Allianz en Allemagne, HSBC (il y a déjà 6 mois en Grande Bretagne).

La problématique Oddo AM en France: Cette société de gestion d’actifs, gère un ensemble de fonds, pour un montant global de l’ordre d’une trentaine de milliards d’euros.

Parmi les fonds Oddo, 3 fonds, Oddo Court Terme Dynamique, Oddo Cash Titrisation, Oddo Cash Arbitrages sont purement et simplement fermés par anticipation le vendredi 27 juillet. Dans ces fonds il y a des produits titrisés, des CDO (collateral debt Obligation), …

Les investisseurs institutionnels, principaux investisseurs de ces fonds (2/3 des parts) ont “massivement” vendu leurs parts en juillet. Les gestionnaires d’actifs Oddo AM se sont trouvés face à un risque de marché, de liquidité, , il y a eu dérobade des acheteurs face à leurs ordres de vente de CDO sur emprunts immobiliers aux USA; d’ou impossibilité de rembourser les vendeurs de parts Oddo, sans provoquer des pertes conséquentes. Les pertes de ces fonds Oddo ont été de l’ordre de 5% en juillet.

Oddo AM a alors décidé de fermer ces trois fonds espérant vendre mieux les CDO dépréciés dans les mois à venir, conduisant les porteurs de parts à posséder des liquidités non liquides! Un pari sur l’avenir, fondé sur le fait que la demande reviendra sur les produits financiers en bout de chaîne.

Analyse de quelques fonds Oddo

Une analyse rapide sur internet de quelques prospectus des fonds incriminés montre la complexité et l’opacité, l’inaccessibilité et l’incapacité à comprendre pour la majorité des investisseurs de quoi sont constitués les fonds. Je vais limiter mon analyse à deux fonds, un fonds Oddo fermé le 27 juillet et un fonds Oddo toujours ouvert, sans risque de marché “subprime”.

Fonds Oddo Court terme dynamique (fonds fermé le 27 juillet 2007) Classification SP= monétaire dynamique euro, 710 Millions Euros Titrisation 56%, CD 34%, Dans la titrisation, il y a 35% de CDO, Les USA représentent 13%, Les ratings AAA et AA représentent 50%.

Fonds Oddo Monétaire Classification SP= monétaire euro, 82 Millions Euros Titrisation 24%, CD 71%, La finance représente 97% des émetteurs Les ratings AAA et AA représentent 47%.

Il appert qu’outre la sémantique incompréhensible pour le commun des mortels, avec des acronymes durs à décrypter, “CD”, CD0″, …, le docteur Celsius n’est pas en mesure de savoir ou se situe son risque, à quel niveau il se situe, existe t il dans les deux fonds, ou seulement dans le premier fonds, est il limité à 13% (cf poids des USA dans le premier fonds).

On peut d’ailleurs se demander pourquoi le fonds Oddo Court terme dynamique a t il été fermé si le poids des USA est seulement de 13%? En pure logique, le risque de perte est de 100% des 13%, donc limité! Mais la réalité est probablement différente.

Stratégie alternative Axa IM

Axa IM touché de la même manière a décidé de maintenir la valorisation des parts de ses fonds, mais dont la valeur a fondu de l’ordre de 25% la semaine dernière.

Impacts MiFID

La classification des produits MiFID devrait améliorer la protection de notre client privé, le docteur Celsius, sous réserve que la finesse d’analyse classe le produit dans notre exemple Oddo Court Terme Dynamique dans la catégorie des produits à risque, et que du coup l’achat de ce produit lui soit interdit, ou seulement accessible après la signature de “formulaires MiFID” spécifiques.

Conclusion

La classification de notre docteur Celsius en client lambda va t elle le protéger, et lui permettre de récupérer sa mise?

J’en doute, car l’exemple de l’affaire de la poste en France a blanchi l’établissement bancaire. Je vous propose de vous référer à l’article “devoir d’information et de conseil du banquier sur les risques liés aux fluctuations boursières”, la conclusion de la Cour de Cassation étant la suivante: L’obligation de mise en garde n’est pas non plus retenu par la Cour de Cassation. La banque n’avait pas à alerter ses clients sur l’existence d’un risque de perte, inhérent à tout investissement boursier, “le professionnel n’étant pas tenu d’informer son client, même profane, d’un fait connu de tous”. Tenue ni à un devoir de conseil, ni à une obligation de mise en garde, La Poste avaIt pour seule obligation de délivrer une information neutre et complète portant sur les caractéristiques objectives du produit financier, et selon la Cour de Cassation, une telle information avait été donnée en l’espèce.

Alors à quoi sert MiFID pour le client de la banque privée?

(1) Les taux/montants/pourcentages sont juste indicatifs afin d’aider la démonstration, et ne cherchent pas à être le strict reflet de la réalité.

Olivier GRANBOULAN